Le cas des automates de sécurisation de la conduite automobile

Résumé

La multiplication des machines intelligentes, au sens de leurs capacités adaptatives et de leur autonomie, a conduit au développement relativement parallèle de deux lignes de recherche dans le domaine des interactions homme-machine en situation dynamique (ex. : aéronautique). La première est très ancienne (Sheridan & Verplanck, 1978) et s’est efforcée d’évaluer l’impact de différents niveaux d’automatisation sur le mode de fonctionnement de l’opérateur humain. Par exemple, en situation normale, l’efficience est maximale quand la machine ne fait que mettre en œuvre la décision humaine, alors qu’en situation anormale la privation de la mise en œuvre produit des résultats négatifs (Endsley & Kaber, 1999). Les interprétations relèvent souvent de la conscience de la situation (situation awareness). Ces travaux relèvent plutôt d’une pluridisciplinarité entre psychologie et automatique. La seconde ligne de recherche est plus récente dans le domaine des situations dynamiques (Hoc, 1996). Elle tente de transférer à la relation homme-machine le modèle de la coopération entre humains, ne serait-ce qu’en raison du transfert spontané que fait l’humain de son attitude coopérative vers un autre humain dans sa relation avec une machine intelligente (Nass, Fogg, & Moon, 1996). Elle s’inspire plutôt de travaux pluridisciplinaires entre psychologie et informatique, fortement dominés par la communication homme-machine dans la langue. Elle relève donc de la coopération au niveau du traitement de l’information symbolique (nécessitant des interprétations), mais elle peut être étendue vers des niveaux de traitement subsymbolique (relevant de la sensation et de la perception).
Un rapprochement de ces deux lignes de recherche a été initié dans le domaine des automates de sécurisation de la conduite automobile (Hoc & Blosseville, 2003). Il s’est appuyé sur l’évidence que les niveaux d’automatisation pouvaient être caractérisés comme des modes de coopération, c’est-à-dire comme des modes de création d’interférences (positives et négatives) entre acteurs disposant d’une certaine marge d’autonomie et s’efforçant de gérer ces interférences en vue de faciliter des tâches. En recensant les différents niveaux d’automatisation de la conduite automobile, en service ou en projet, dans le cadre d’un vaste programme de recherche concerté au PREDIT (ARCOS), quatre modes de coopération ont été identifiés. Avec le mode perceptif, l’automate fournit au conducteur des informations visuelles ou des sensations susceptibles de s’intégrer efficacement dans les boucles de contrôle sensori-moteur. D’un point de vue coopératif, ce mode est très intrusif dans la mesure où il peut provoquer des réponses irrépressibles (affordances). Avec le mode contrôle mutuel, l’automate produit des critiques de l’activité du conducteur, susceptibles de lui faire reprendre un contrôle plus adapté de la situation. Ce mode pose le problème crucial du partage d’un référentiel commun entre le conducteur et l’automate en ce qui concerne l’évaluation des risques encourus dans la situation. Le premier mode n’est toutefois pas exempt de ce problème, bien qu’il se situe à un niveau de traitement subsymbolique. Avec le mode de délégation de fonction qui, comme son nom l’indique, permet au conducteur de déléguer une partie de l’activité de conduite à l’automate, ce sont notamment des questions de contentement (complacency), de confiance (notamment dans l’interaction) et de reprise en main qui sont posées. Ces questions sont particulièrement amplifiées avec le mode automatique, mais qui n’est pour l’instant envisagé qu’en situation très critique (ex. : anticollision).

Quelques pistes de recherche seront dérivées de ce rapprochement entre ces deux façons d’aborder l’interaction homme-machine dans ces situations. Les liens entre ces recherches dans le domaine des situations dynamiques où l’automatique est encore la discipline majeure et les recherches dans le domaine des IHM de nature symbolique sera précisé.

Biographie

Jean-Michel Hoc est Directeur de recherche au CNRS et travaille à l'Institut de Recherche en Communications et Cybernétique de Nantes.